Management et confinement : gare au retour du « command and control » !

En ces temps de confinement, il apparaît que certains managers seraient plus rugueux avec les télé-travailleurs et plus particulièrement ceux qui seraient seuls et célibataires. Intrigué par cela, je me suis donc penché sur ce fait étonnant.

Comment se fait-il que le management bienveillant ait laissé place à un management malveillant dans cette situation ?

Après quelques recherches, il semblerait que la sidération (de siderari ou « subir l’action funeste des astres ») due au confinement ait poussé certains managers dans un « command and control » typique du micro-management. Lors d’échanges avec mon réseau, j’ai entendu que certains travaillaient bien plus qu’avant le confinement. Évidemment les circonstances sont différentes et exigeantes pour nombre d’entre nous.

A cela s’ajoute la présence des enfants pour certains avec l’école à la maison, la répartition des tâches ménagères et un inévitable télescopage de tout cela sur le temps de travail et la concentration. La charge mentale des informations en continue pèse autant sur le moral que la promiscuité des lieux de vie.

Bien que cela puisse expliquer la tension dans le management, quelques-uns ont néanmoins décrit des situations de management plus tendues voire rudes.

Qu’est-ce qui explique que les pratiques basculent négativement ?

Bruno Aymonier, coach professionnel et auteur, indique dans un webinaire sur son livre « Lâcher prise » que « souvent on est attaché au besoin de contrôle parce qu’il y a derrière cela un besoin de sécurité ». Et on s’attache d’autant plus facilement au contrôle qu’il y a un sentiment de sécurité dans celui-ci. Les bureaux des entreprises, les horaires routiniers, les pauses à la machine à café avec les collègues, la cantine étaient il y a peu encore des repères sécurisants qui ont volé en éclat avec le télétravail généralisé (pour ceux qui le peuvent bien entendu). Les liens physiques et la présence des uns et des autres sont mis à plat sur un écran d’ordinateur que l’on consulte toute la journée.

Qu’est-ce qui est en jeu dans cette sécurité du contrôle ?

Il y a au moins deux pistes. Selon Gaëlle Brunetaud-Zaïd, Chief Transformation Officer et coach, m’a confié que

« face à un évènement inattendu, on passe généralement par une phase de déni puis de sidération”

cela “avant d’accepter que ce qui se passe est bien réel” pour finalement “retrouver des moyens d’agir”. Bien-sûr certains restent dans la sidération ou le déni.

La deuxième piste pourrait être du côté de la peur. Arnaud Sébal, thérapeute et fondateur de l’Ecole humaniste de Gestalt thérapie, précise dans un webinaire récent que « la peur est là pour nous protéger ». C’est sa fonction de base.

Mais « la peur peut aussi nous desservir », ajoute-t-il.

Le bon usage de la peur, si tant est que l’on peut en faire bon usage, nous invite principalement à nous préoccuper des autres et de nous-mêmes.

Le revers de cette peur est qu’elle peut aussi conduire à la toute puissance (par exemple, « cette maladie ne touche pas les jeunes comme nous ») ou au déni (les vidéos montrant des parisiens insouciants en plein confinement ont illustré ce déni obligeant le gouvernement à des mesures sévères). Bien-sûr, la très grande majorité d’entre nous respecte les règles actuelles.

Il est donc probable que la situation exceptionnelle que nous vivons entretienne cette peur de la maladie ou de l’enfermement.

Les managers ne sont pas différents du reste de la population. Quand elle est ponctuelle, la peur est bénéfique et nous sommes physiologiquement câblés pour en tenir compte. C’est quand elle se prolonge dans le temps qu’elle devient nuisible et conduit souvent à se réfugier dans le contrôle, la toute puissance, la sidération ou le déni.

Sans faire de psychologie de comptoir, dans de telles situations, il se peut que certains managers passent dans l’une de ces phases au contrôle pour se rassurer. Ce qui impacte négativement leurs équipes et les relations à distance. A cet effet, il est à noter que les caméras ne sont plus systématiquement activées lors de visio comme lors de la première semaine de confinement.

Alors que peuvent faire les managers dans cette situation ?

Gaëlle Brunetaud-Zaïd préconise

« d’avoir une prise juste dans un moment de chaos ».

Même si c’est probablement le geste le plus coûteux, cette « prise juste » pourrait être de mettre des mots sur les émotions. Accepter de parler de sa peur ou de sa sidération est un premier pas vers l’acceptation de la situation. De nombreuses entreprises ont mis à disposition des salariés des numéros de psychologues. Il existe des réseaux de coachs (EMCC, ICF, SFCoach …) pouvant aider les managers dans leurs missions quotidiennes ou dans la gestion de crises.

Il est aussi possible pour le manager de partager. Le plus simple pour lui serait d’en parler avec un collègue ou son équipe et d’installer le cadre d’une écoute libre, attentive et bienveillante.

Merci à Gaëlle Brunetaud-Zaïd pour le temps qu’elle m’a consacré et ma femme pour la relecture attentive.

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